End pill shaming, plz.

aquarelle avec des plantes et la phrase : take care of yourself

Il y a de nombreuses raisons qui m’ont donné envie de partager mon expérience de la maladie chronique, notamment de la médication et les préjugés qu’il y a autour.

J’ai souvent lu et entendu des choses comme « il ne faut pas prendre tel médicament, après on ne peut pas l’arrêter » , « ça donne l’impression d’aider mais ça déforme la réalité » (surtout concernant les médicaments psy tel que les anti dépresseurs) ou encore « les médicaments ne sont pas la solution », « c’est mauvais, ça va te rendre malade sur le long terme ».

Si certaines de ces allégations ne sont pas si éloignées que ça de la vérité, parfois j’aimerai répondre : on s’en fout. Voilà, fin de l’article.

aquarelle avec des plantes et la phrase : take care of yourself

Les médicaments c’est pas bien.

mon expérience avec les médicaments n’a pas toujours été positive. A 17 ans j’ai été mise pour la première fois sous anti-dépresseur et anxiolytique par une psychiatre. L’anti-dépresseur choisi était une vieille molécule, qu’on ne prescrivait normalement plus en dehors des renouvellements et qui m’a rendu malade pendant plusieurs mois; le problème c’est que beaucoup de médecins préfèrent, à tort, à raison? insister, en se disant que les effets secondaires vont s’atténuer et que les effets bénéfiques ne vont pas tarder. Deux mois plus tard, ma réalité était effectivement déformée et j’ai avalé ma boite d’anxiolytique en espérant ne pas me réveiller.

Au même moment, on m’a prescrit un traitement de fond pour mes migraines, un bêtabloquant et une benzodiazépine, qui aujourd’hui se prescrit sur ordonnance sécurisé. Etant à cette période dans une profonde dépression et sujette à l’addiction, j’ai commencé à prendre les petites gouttes en plus grand nombre que celles prescrites pour me sentir un peu mieux. Et j’ai commencé à m’en faire prescrire davantage. C’était pareil avec la prescription initiale de la psychiatre que je faisais renouveler puis modifier et augmenter ensuite par mon médecin traitant. J’avais donc accès à des drogues légales sans grandes difficultés. J’ai mis des années à me sevrer de tout ça, d’abord parce que j’étais rendue accro à la sensation que ces pilules me procuraient, mais aussi et surtout car j’ai fini par me convaincre ou à être convaincue que ces médicaments m’étaient nécessaires (et je ne parle pas seulement des anxiolytiques).

Ce qui est à pointer du doigt là dedans ce n’est pas « les médicaments sont mauvais », c’est l’utilisation qui en est faite qui peut l’être, la facilité avec laquelle on peut obtenir des médicaments et l’absence de réel suivi de la part des prescripteurs.

Quand en 2014 j’ai réussi à arrêté tout ça, j’étais dans une position inverse, à diaboliser totalement ces médicaments. Forcément, ça m’avait rendu mal, donc ça ne pouvait pas être bien. Finalement, ce qui était à diaboliser c’est l’absence de suivi, l’absence de véritable prise en charge, l’absence de soutien. L’antidépresseur n’est qu’une béquille pour nous aider à nous lever le matin et à suivre une thérapie. Le problème c’est qu’il n y a jamais vraiment eu de thérapie. Que ce soit lors de mes hospitalisations en HP où, livrés à nous même, nous errions dans les couloirs du matin au soir, où les infirmier.e.s préféraient se cacher de nous et les médecins ne pouvaient nous rencontrer qu’une fois tous les dix jours. Que ce soit en extérieur dans un cmp, lorsque je ne pouvais voir ma psychiatre qu’une fois tous les trois mois, à raison de 10 petites minutes qui se résument à « comment allez vous? On continue ce traitement? Je vous baisse celui ci et on se revoit dans trois mois ». Que ce soit en structure spécialisé où c’est le balai des intervenant.e.s, où tu as à peine le temps de te sentir en confiance avec un.e soignant.e qu’iel est déjà muté.e ailleurs.

Le manque de moyen humain est plus dangereux que les médicaments eux-mêmes.

Je crois que nous sommes nombreux.ses à avoir été, un jour ou l’autre, confronté.e à cette situation, que ce soit pour nous même ou pour un proche, à se voir dépérir, drogué, sans avoir l’impression d’aller mieux, et je comprends le raccourcis « c’est à cause des médicaments ».

Non, c’est en premier lieu à cause de la maladie puis à cause du manque de véritable prise en charge.

Il ne faut pas en prendre, tu vas en être dépendant.e.s

Quelle horreur! Etre condamné.e à prendre un médicament toute sa vie pour se sentir mieux, quelle cauchemar (sarcasme). Le véritable cauchemar est de ne trouver aucune solution, aucune issue à sa douleur, qu’elle soit psychique ou physique. Où est le problème à prendre un médicament, que ce soit pour une période limitée ou pour toute la vie si celle ci est considérablement améliorée? On n’aurait pas idée de dire d’une personne qui ne peut pas marcher qu’elle est dépendante de son fauteuil roulant et que c’est une mauvaise chose ? On n’irait pas lui dire « fais un effort et fais sans, tu verras, c’est facile, même moi j’y arrive » (je dis ça avec beaucoup de sarcasme mais malheureusement des non-valides qui techniquement peuvent marcher mais pour qui le FR est un moyen d’améliorer leur qualité de vie, de moins s’épuiser, de pouvoir de nouveau sortir etc, ont entendu ce genre de remarque)

Ce n’est pas la réalité

La vie lorsqu’on est en dépression n’est pas non plus la réalité. Celle ci est déformée par des idées noires, de la négativité, un manque évident d’entrain et toutes les difficultés qui en découlent. Les douleurs sont peut être la réalité mais elles sont souvent dues à un dysfonctionnement. Et qui a vraiment envie de vivre en souffrant h24?

Les médicaments ne sont pas la solution

Sous entendu, sors toi les doigts et bouge toi pour aller mieux (« cette personne a trouvé un remède à toutes les maladies et tous les médecins la détestent ») . En fait si le ou les médicaments permettent d’améliorer la qualité de vie alors si, on peut dire que c’est la solution.

ça va te rendre malade sur le long terme, ça va finir par te tuer

Oui et sur le court terme c’est ma maladie va me tuer.

soigner la depression

Les médicaments c’est bien

Aujourd’hui je ne suis plus concernée par les médicaments pour ma santé mentale mais pour ma santé physique. Je n’ai pas un traitement très lourd parce que je ne supporte pas grand chose, mais dans mon traitement il y a des médicaments mal vus. Du diable en personne, j’ai nommé la pilule, pour mon endométriose, en passant par un antiépileptique alors que je ne suis pas épileptique, un antidépresseur alors que je ne suis pas en dépression, et autres antihistaminiques et béta-bloquants. Et vous savez quoi? même si c’est pas facile tous les jours, je suis contente d’avoir ces médicaments. Oui la douleur est ma compagne mais elle est bien plus gérable avec mon traitement. Oui j’ai conscience qu’à long terme, ce qui me fait du bien aujourd’hui va me faire du mal plus tard, mais c’est okay, je suis okay avec ça. Quand la douleur est devenue chronique, j’ai mis plus d’un an à accepter de prendre de la morphine. J’avais l’ordonnance, puis j’avais la boite, mais je bloquais complètement, en grande partie à cause de tous ces articles et autres posts laissant entendre que « la morphine, les antidouleurs, c’est mal. prenez donc cette tisane ». Et même si j’ai difficilement supporté la morphine au bout d’un certain temps, j’ai été heureuse d’avoir eu un peu de répit, quelques heures dans la journée. Et c’est ce qui compte en fait, que notre traitement nous soulage!

Ils sont des outils pour survivre, et comme n’importe quel outils, s’ils sont mal employés, pour de mauvaises raisons, alors il est probable qu’ils nous fassent du mal. A l’inverse, adaptés à notre situation, ils peuvent nous être d’une grande aide.

même si le Dr House a fait beaucoup de tort à nombre d’entre nous avec son célèbre « tout le monde ment, les patients mentent tout le temps » (non), il y a une phrase qui m’a profondément marqué « Je n’ai pas de problème avec la gestion de la douleur, j’ai un problème avec la douleur » Et j’ai un problème avec les diabolisateur.trice.s des médicaments.

la diabolisation des medicaments - end pill shaming